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Caroline comprit qu’elle devait rester jusqu’à ce qu’on se levât de table.

— Ainsi, mes bons amis, dit la marquise en s’adressant à ses fils, vous avez déjeuné tête à tête au Bois ?

— Comme Oreste et Pylade, répondit le duc, et vous ne sauriez vous imaginer, chère maman, comme il y faisait bon et beau ! Et puis j’y ai fait une découverte délicieuse, c’est que j’avais un frère charmant ! Oh ! le mot vous semble frivole quand il s’agit de lui : eh bien ! je ne l’entends pas dans un sens léger, moi, ce mot-là ! La grâce de l’esprit est parfois celle du cœur, et mon frère a ces deux grâces-là.

La marquise sourit encore, mais elle devint pensive, un nuage passa sur son âme. — Gaëtan aurait dû souffrir d’accepter le sacrifice de son frère, pensa-t-elle ; il en prend trop bien son parti, il n’a peut-être plus de fierté ! Mon Dieu, il serait perdu !

Urbain vit ce nuage et se hâta de le dissiper. — Moi, dit-il avec une douce gaieté en s’adressant à sa mère, je ne répondrai pas que mon frère est encore plus charmant que moi, c’est trop avéré ; mais je dirai que j’ai fait aussi une découverte c’est qu’il a un grand fonds de sérieux dans l’esprit, et un respect inaltérable pour tout ce qui est vrai. Oui, ajouta-t-il en répondant instinctivement au regard profondément étonné de Caroline, il y a en lui une véritable candeur que personne ne soupçonne, et que je n’avais pas encore bien appréciée.