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pidement mes chances, et à l’heure qu’il est j’aurais la plus mauvaise opinion d’une fille ou d’une veuve tant soit peu riche ou née qui voudrait de moi. Je me persuaderais que, pour accepter un vaurien de mon espèce, elle devrait avoir quelque motif profondément ténébreux. Mais toi, Urbain, ta position est toute autre. J’ai rendu ton sort médiocre, pauvre peut-être ! Cela n’ôte rien à ton mérite personnel ; tout au contraire, il doit grandir aux yeux de quiconque connaîtra la cause de ta médiocrité. Il n’y a donc rien que de très-probable à ce qu’une jeune fille pure, noble et fortunée se prenne d’estime et d’affection pour toi. Il me semble même que tu n’as qu’à vouloir et à te montrer.

— Non, je ne sais me montrer qu’à mon désavantage. Le monde me paralyse, et ma renommée de savant me nuit plus qu’elle ne me sert. Le monde ne comprend pas qu’un homme né pour le monde ne le préfère pas à toutes choses. D’ailleurs, vois-tu, il m’est impossible de vouloir aimer, j’ai le cœur trop noir et trop lourd.

— Pourquoi donc pleurer si longtemps une femme qui n’a pas su être heureuse de ton affection ?

— Je l’aimais, moi ! En elle, c’était peut-être mon amour que j’aimais. Je ne suis pas de ces natures vivaces qui refleurissent à la saison nouvelle. Tout creuse en moi d’une manière effrayante.

— Tu lis trop, tu réfléchis trop !

— Peut-être ! viens à la campagne, frère, tu me l’as promis, tu me secourras, tu me feras du bien, veux-