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de rien. Je ne manque de rien où je suis, et je m’y trouve aussi bien que possible loin de ma chère famille.

« C’est égal. Je ne veux pas perdre l’espérance d’aller vous voir. Ce que tu me dis de la petite chambre propre et du beau pays sauvage me donne une envie folle de connaître ton village et ton petit établissement. Je ne sais pas quand j’aurai dans ma vie quinze jours de liberté, mais sois sûre que si je les ai jamais, ils seront pour ma nourrice bien-aimée, que j’embrasse de tout mon cœur. »

Pendant que Caroline se livrait à cette candide effusion, le duc Gaëtan d’Aléria, magnifiquement vêtu en Turc, costume du matin, causait avec son frère le marquis, dont il recevait la visite matinale dans son splendide appartement de la rue de la Paix.

On venait de parler d’affaires, et une discussion assez vive s’était élevée entre les deux frères. — Non, mon ami, disait le duc d’un ton ferme, j’aurai cette fois de l’énergie : je refuse votre signature ; vous ne payerez pas mes dettes !

— Je les payerai, répondit le marquis d’un ton tout aussi résolu. Il le faut, je le dois. J’ai hésité, je ne vous le cache pas, avant d’en connaître le chiffre, et votre fierté ne doit pas souffrir de scrupules que j’avoue. Je craignais d’être engagé au delà de ce que je puis faire ; mais je sais maintenant qu’il me restera de quoi soutenir le bien-être de notre mère. Dès lors je