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— Non, dit Caroline en se penchant vers le foyer, je lis,… je lis bien,… et je comprends !… Je savais, j’avais deviné, et j’accepte. C’était le désir de mon cœur, le rêve de ma vie ! Est-ce que ma vie et mon cœur ne vous appartiennent pas ?

— Hélas ! non, pas encore, mais si vous vouliez croire en moi…

— Ne vous fatiguez pas à parler, à vouloir me convaincre, dit Caroline avec une animation souveraine. Je crois en vous, mais non à ma destinée. Eh bien ! je l’accepte telle que vous me la ferez. Bonne ou mauvaise, elle me sera chère, puisque je n’en peux accepter aucune autre. Écoutez-moi, écoutez-moi, je n’ai peut-être qu’un instant pour vous dire cela. Je ne sais pas quels événements votre conscience et la mienne auront à subir ; je sais votre mère inexorable, j’ai senti le froid de son mépris, et nous n’avons rien à espérer de Dieu si nous lui déchirons le cœur. Il faudra donc se soumettre et pour toujours ! Vous l’avez dit : établir un projet de bonheur sur la perte d’une mère, c’est placer le rêve du bonheur dans la plus criminelle des pensées, et ce bonheur-là serait cent fois maudit ; nous le maudirions en nous-mêmes !

— Pourquoi me rappelez-vous tout cela ? dit le marquis avec douleur ; ne le sais-je pas ? Mais vous croyez le retour de ma mère impossible, et c’est à cela que je vois que vous ne voulez pas me permettre de le tenter, et que la pitié seule…

— Vous ne voyez rien, s’écria Caroline en lui met-