Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/361

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pitalité qui remonte au meurtre du géomètre envoyé par Cassini pour mesurer le Mezenc, et qui fut pris pour un sorcier. Ils ont beaucoup changé et montrent plus affables aujourd’hui ; mais leurs habitudes sont celles d’une misère profonde, et pourtant ils sont très-commerçants, bons éleveurs de bestiaux magnifiques, et aussi bien fournis que possible de denrées d’échange. Seulement la dureté du climat et l’isolement du site le plus âpre ont passé dans leur esprit comme dans leur sang.

La pièce qui composait, avec l’étable, tout l’intérieur de la maison, enfin abandonnée à Peyraque et à ses amis, était fort petite, et à peine plus riche que la grotte celtique de la vieille femme d’Espaly. La fumée s’engouffrait partie dans la cheminée, partie dans un trou béant sur le côté de la muraille. Deux lits en forme de caisse recevaient la nuit, chose incompréhensible, une famille de six personnes. La roche brute formait le sol ; mais à côté, les vaches, les chèvres, les moutons et les poules avaient leurs aises.

Peyraque étendit partout de la paille propre, s’approvisionna de bois, fouilla dans le bahut, trouva le pain, et força Caroline à manger et à se reposer. Le marquis la suppliait du regard de songer à elle-même, car elle n’osait le quitter d’un pas, et tenait toujours ses mains dans les siennes. Il voulait lui parler, il le pouvait maintenant, et il n’osait pas lui dire un mot. Il craignait qu’elle ne s’éloignât de lui dès qu’elle verrait qu’il se sentait aimé. Et puis Peyraque l’embarras-