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Peyraque avança, non sans avertir sa compagne à plusieurs reprises que le soleil ne se montrait pas bien décidé à luire, qu’il y avait quatre lieues à faire, et que peut-être le Mezenc serait embrouillé. Tout cela était fort indifférent à Caroline, qui ne devinait pas les hésitations et les remords de conscience de son vieil ami.

On traversa une montagne couverte de pins et tranchée d’une vaste clairière, résultat d’une ancienne coupe qui ouvrait comme une allée gigantesque où le chemin paraissait de loin une route pour faire passer cent chariots de front ; mais, quand la carriole y fut engagée, ce fut un travail terrible que de gravir cette terre détrempée et creusée en mille endroits d’ornières profondes. Plus loin, ce fut pis encore : la tourbe était parsemée de blocs de lave qui laissaient des fondrières dans leurs intervalles, et, quand on retrouvait des traces de chemin travaillé, il fallait franchir des amas de monstrueux cailloux, s’arrêter devant de larges coupures, chercher l’ancienne voie parmi vingt voies effondrées. Le cheval faisait des prodiges de courage, et Peyraque des miracles d’adresse et de raisonnement.

On n’avait fait encore que deux lieues au bout de deux heures, et on était en pleine lande sur un interminable plateau, à quinze cents mètres d’élévation. Sauf les accidents de la voie, on ne distinguait rien autour de soi. Le soleil avait disparu, le brouillard enveloppait tout comme d’un suaire, et rien ne saurait rendre le sentiment de désolation morne qui s’était