Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en est, et vous ramener si on n’a plus besoin de vous.

« J’avoue que je désirais cette décision ; il me semblait que j’avais autant le devoir que le besoin de veiller sur l’enfant. Peyraque est revenu le lendemain, et comme j’ai vu que la Roqueberte, bien que hors de danger, ne pourrait se lever avant plusieurs jours, j’ai consenti à rester, et j’ai dit à Peyraque de ne venir me chercher qu’à la fin de la semaine.

« Je suis très-bien ici, dans une vaste chambre qui est, je crois, une ancienne salle aux gardes que l’on a coupée en plusieurs pièces à l’usage des métayers. Les lits, très-rustiques, sont propres, et je fais moi-même le ménage. J’ai les trois enfants à mes côtés à toute heure. La petite fait notre cuisine, que je dirige ; je surveille les soins qu’il faut donner à la mère ; je lave et j’habille Didier moi-même. Il est vêtu comme les autres, en petite blouse bleue, mais avec plus de soin, surtout depuis que je m’en mêle, et je m’attache à lui d’une manière qui m’effraye pour le moment où il faudra m’en séparer. Tu sais mes passions pour les enfants, c’est-à-dire pour certains enfants ; celle-ci est une des mieux conditionnées. Charlot en serait jaloux comme un tigre. C’est que, vois-tu, ce Didier est certainement le fils d’une femme ou d’un homme de mérite. Il est de haute et fine race, moralement parlant ; sa figure est d’une blancheur un peu mate avec de petites couleurs comme celle des roses de buissons. Il a des yeux bruns admirables de forme et d’expression, et une forêt de cheveux noirs demi-