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Heudebert ne partageait pas tous les scrupules et ne comprenait pas toute la fierté de Caroline. Elle n’avait osé l’en blâmer, mais elle ne se fût pas fait un si grand crime d’affronter un peu le mécontentement de la marquise, et de devenir sa bru quand même. « Puisque les offres du marquis étaient si sérieuses, pensait-elle, puisque sa mère l’aime au point de n’oser le contrarier ouvertement, puisque enfin il est majeur et maître de sa fortune, je ne vois pas pourquoi Caroline n’eût pas employé son crédit sur la vieille dame, son esprit de persuasion et l’évidence de son propre mérite à lui faire doucement accepter la convenance de ce mariage… Allons ! ma pauvre Caroline, avec toute sa vaillance et tout son dévouement, est trop romanesque, et elle va se tuer pour nous faire vivre, tandis qu’avec un peu de patience et d’habileté, elle pouvait être heureuse et nous rendre tous heureux. »

C’était là une autre théorie du bon sens que le lecteur pourra mettre en regard de celle de Peyraque et de Justine. Le lecteur est libre d’accorder la préférence à celui des deux raisonnements qui lui semblera le meilleur ; mais le narrateur est forcé d’avoir une opinion, et il avoue un peu de partialité pour Caroline.

Le marquis sentit que madame Heudebert faisait des allusions timides à cette situation, et il vit qu’elle savait tout. Il se livra un peu plus qu’il n’avait fait encore, et Camille, encouragée, lui demanda avec assez de maladresse si, dans le cas où la marquise serait inexorable, il était bien décidé à offrir à Caroline