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comme un étalage de vertu dont il ne m’a jamais mise à même d’invoquer le secours contre lui… Non, non ! cela ne se pouvait pas, cela ne se devait pas !

« J’ai cru comprendre que la marquise m’insinuait de lui dire que j’avais un engagement, un autre amour. Mon Dieu, qu’elle invente à présent tout ce qu’elle voudra ! Qu’elle immole ma vie et mon honneur s’il le faut ! J’ai laissé le champ libre ; mais moi, je n’aurais pas su improviser un roman pour la circonstance. Est-ce qu’il en aurait été dupe ?

« Camille, tu le verras, tu l’as sans doute déjà revu depuis cette première visite où tu m’avoues avoir eu tant de peine à jouer ton rôle. Il t’a fait le plus grand chagrin, dis-tu : il était comme égaré… Il est sans doute calme à présent. Il a tant de force morale, et il doit si bien comprendre que je ne peux jamais le revoir ! Cependant sois sur tes gardes. Il est très-pénétrant. Dis-lui que je suis un esprit très-froid… Non, pas cela, il ne le croirait pas. Parle-lui de ma fierté, qui est invincible. Oh ! pour cela, oui, je suis fière, je le sens ! Et si je ne l’étais pas, serais-je digne de son affection ?

« On eût peut-être voulu que je me rendisse en effet indigne de son respect, non pas la mère : oh ! elle, non, jamais ! Elle a trop de loyauté, de religion et de chasteté dans l’âme ; mais le duc ! À présent je me souviens de bien des choses que je n’avais pas comprises, et qui se présentent sous un nouveau jour. Le duc est excellent, il adore son frère : je crois que