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n’entendait pas davantage. Un troisième lui fit signe de s’adresser à la femme, qui était assise sur un des arbres, les pieds soutenus par une corde. Caroline lui demanda, tout en marchant, si elle allait du côté de Laussonne. Elle ne voulait pas dire le nom de Lantriac, situé plus près, sur la même route. La femme répondit en français, avec un accent prononcé très-dur, qu’on allait à Laussonne, et qu’il y avait loin, oui !

— Voulez-vous permettre que j’attache mon paquet à un de ces arbres ?

La femme secoua la tête.

— Est-ce un refus ? reprit Caroline. Je ne vous demande pas cela pour rien : je payerai !

Même réponse : la montagnarde n’avait compris des paroles de Caroline que le nom de Laussonne.

Caroline ne savait pas le patois cévenol. Cela n’était pas entré dans la première éducation que sa nourrice lui avait donnée. Pourtant la musique de son accent était restée dans sa mémoire, et elle eut la bonne idée de l’imiter, ce qu’elle fit avec tant de succès que les oreilles de la paysanne s’ouvrirent tout de suite. Elle comprenait le français scandé de cette façon, et même elle le parlait fort bien.

— Asseyez-vous là derrière, sur l’arbre qui me suit, dit-elle, et donnez votre paquet à mon mari. Allez ! il ne faut rien pour ça, ma fille.

Caroline remercia et prit place. Le paysan lui fit un étrier semblable à celui qui soutenait les pieds de sa femme, et le convoi rustique continua sa route, que