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craintes grossirent en voyant approcher l’heure où l’on devait dîner ensemble. Si Caroline fuyait réellement un peu plus loin qu’Étampes, il fallait gagner du temps. Elle se décida dès lors à mentir. Elle ne parla point à son fils avant le moment de se mettre à table, s’arrangeant de manière à être toujours entourée : c’était un grand dîner très-officiel ; mais, ne pouvant supporter le regard d’anxiété que son fils attachait sur elle, avant de s’asseoir elle dit à la jeune duchesse et de manière à être entendue du marquis : — Mademoiselle de Saint-Geneix ne viendra pas dîner. Elle a au couvent une petite-nièce malade, et m’a demandé la permission d’aller la voir.

Aussitôt après le dîner, le marquis, au supplice, tenta de parler à sa mère. Elle l’évita encore ; mais, voyant qu’il se disposait à sortir, elle lui fit signe de s’approcher, et lui dit à l’oreille : — Ce n’est pas au couvent, c’est à Étampes qu’elle a été.

— Mon Dieu ! pourquoi avez-vous dit autrement tout à l’heure ?

— Je m’étais trompée. J’avais mal lu le billet qu’on m’a remis ce soir. Ce n’est pas de la petite qu’il s’agit, c’est d’un autre enfant ; mais elle revient demain matin. Voyons ! il n’y a là rien d’alarmant. Faites attention, mon fils, que votre figure bouleversée étonne tout le monde. Il y a des méchants partout : si quelqu’un venait à croire et à dire que vous êtes jaloux du bonheur de votre frère ! On sait que dans le principe c’était vous…