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bien fatiguée dans ce moment-ci, et si je vous demande de causer un quart d’heure avec vous ? …

— Causons, causons, mon fils ! s’écria la marquise ; je n’étais fatiguée que de ne pouvoir point causer avec ceux que j’aime. Et puis je craignais de sembler ridicule en parlant trop de mon bonheur. Parlons-en, parlons de ton frère… et de toi aussi ! Mon Dieu ! ne mettras-tu point dans ma vie un second jour comme celui-ci ?

— Ma mère chérie, dit le marquis en s’agenouillant devant sa mère et en prenant ses deux mains dans les siennes, il ne tient qu’à vous que j’aie aussi bientôt mon jour de suprême joie.

— Ah ! que dis-tu là ? Vrai ? Dis donc vite ! …

— Oui, je parlerai ! c’est le moment que j’attendais. Je m’étais réservé, et j’avais appelé de tous mes vœux cette heure bénie où mon frère, réconcilié avec Dieu, avec la vérité et avec lui-même, presserait dans ses bras purifiés une compagne digne d’être votre fille. Et à ce moment-là, moi je comptais vous dire ceci : Eh bien ! ma mère, moi aussi, je puis vous présenter une seconde fille plus aimable encore et non moins pure que la première. J’aime avec passion depuis un an, depuis plus d’un an, la créature la plus parfaite. Elle l’a peut-être deviné, mais elle ne le sait pas ; j’ai tant de respect et d’estime pour elle, que je savais bien ne pouvoir jamais, sans votre consentement, obtenir le sien. Voilà d’ailleurs ce qu’elle m’a fait rigidement comprendre un jour, un seul jour où mon