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l’affranchissement des communes, nous allons danser la contredanse !

— Oui, lui répondit-il avec vivacité, et ceci vaudra bien mieux, puisque je sentirai votre main dans la mienne.

C’était la première fois que le marquis montrait ouvertement à Caroline une émotion où les sens pouvaient entrer pour quelque chose. Elle sentit en effet sa main frémir et ses yeux la dévorer. Elle eut peur, mais elle se dit qu’une fois déjà il avait paru amoureux d’elle, et qu’il avait su triompher de cette mauvaise pensée. Avec un homme si pur et d’une moralité si élevée devait-elle s’effrayer d’un moment d’oubli ? Et d’ailleurs n’éprouvait-elle pas elle-même, avec la volonté d’en triompher tout à l’heure, cette ivresse vague de l’amour ? Elle ne pouvait point ne pas se sentir extraordinairement belle, tous les yeux le lui disaient ; elle éclipsait la mariée elle-même avec ses dix-sept ans, ses diamants et son beau sourire de triomphe passionné. Les vieilles femmes disaient à la duchesse de Dunières : « Cette orpheline pauvre que vous avez là est trop jolie ; c’est inquiétant ! » Les fils de la duchesse elle-même, jeunes gens de haute mine et de grande espérance, regardaient mademoiselle de Saint-Geneix de manière à justifier les appréhensions des matrones expérimentées. Le duc, touché de voir que sa généreuse épouse n’avait pas songé à concevoir le moindre soupçon jaloux, reconnaissant aussi de l’attitude délicatement mesurée de Caroline