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à compter avec son valet de chambre. Léonie ne doutait donc pas du succès, et, tout en s’occupant avec beaucoup de savoir-faire du placement de ses capitaux, elle se disait avec un calme suprême : — À présent, c’est fini, j’ai assez d’argent, je ne jouerai plus, je n’intriguerai plus. Mon ambition, satisfaite de ce côté-là, doit changer d’objet. Il faut effacer la tache originelle de bourgeoisie qui me gêne encore dans le monde, il faut que j’aie un titre. Celui de duchesse vaut bien la peine d’y songer !

Elle y songea à temps, mais M. d’Arglade mourut trop tard. Elle était à peine hors du premier crêpe funèbre qu’à sa première visite à la marquise elle apprit qu’il n’y fallait plus songer.

Léonie tourna dès lors ses batteries vers le marquis de Villemer. C’était moins brillant et plus difficile, mais c’était encore satisfaisant comme titre, et ce n’était point impossible selon elle. La marquise se préoccupait extrêmement du célibat dont la perspective semblait de nouveau charmer l’insouciance de son fils. Elle ouvrait son cœur à madame d’Arglade. — Celui-là, disait-elle, me fait une peur affreuse avec son air tranquille. Je crains qu’il n’ait je ne sais quelles préventions contre le mariage, peut-être contre les femmes en général ! Il est plus que timide, il est sauvage, et pourtant il est charmant quand on réussit à l’apprivoiser ! Il faudrait rencontrer une femme qui l’aimât la première et qui eût le courage de vouloir se faire aimer.