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Ils se virent donc tous les jours, et même quelquefois pendant de longues heures, dans le salon, presque sous les yeux de la marquise, qui se réjouissait de voir Caroline continuer d’aider son fils dans ses travaux. En réalité, elle ne l’aidait plus que pour mémoire : il avait fait sa provision de documents à la campagne, et il écrivait son troisième et dernier volume avec une rapidité et une facilité admirables. La présence de Caroline lui donnait l’élan et l’inspiration. Auprès d’elle, il n’avait plus de doutes ni de lassitudes. Elle lui était devenue si nécessaire qu’il lui avoua ne pouvoir plus s’intéresser à rien quand il était seul. Il était heureux lorsqu’elle lui parlait tout au milieu de son travail. Loin de le gêner, cette voix aimée soutenait l’harmonie de sa pensée et l’élévation de son style. Il la provoquait à le déranger, il la priait de lire de la musique au piano, sans craindre de lui causer le moindre trouble. Au contraire, tout ce qui lui faisait savourer sa présence réchauffait son âme, car elle était pour lui, non une autre personne agissant à ses côtés, mais son propre esprit, qu’il sentait vivre en face de lui.

Le respect de l’œuvre dont elle était enthousiaste, enchaînait Caroline au respect de la personne. Elle se faisait comme un devoir sacré de ne rien déranger à l’équilibre nécessaire à cette belle organisation. Elle ne se permettait donc plus de se préoccuper d’elle-même. Elle ne voulait plus se demander si elle y courrait quelque risque pour son compte, et si, à un