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avec passion et ne prévit jamais que sa vie pût devenir misérable. Douce, aimante, mais médiocrement intelligente, elle n’apprit qu’à être une fille accomplie dans sa tournure, dans sa toilette, dans ses manières. Rentrée au couvent à la fin des vacances, elle passait trois mois à languir de regret, trois autres mois à travailler un peu pour satisfaire sa sœur, qui la grondait, et le reste du temps à rêver le retour de son père et des plaisirs.

Caroline tenait davantage de sa mère, qui avait été une personne énergique et sérieuse. Elle était pourtant gaie et même plus exubérante que sa sœur dans les jouissances de sa liberté. Elle se montrait plus active pour profiter de la toilette, des promenades et des spectacles, mais elle en jouissait autrement. Elle était infiniment plus intelligente que Camille, non d’une intelligence créatrice en fait d’art, mais profondément sensible aux vraies manifestations de l’art. Elle était née virtuose, c’est-à-dire propre à exprimer avec éclat et finesse la pensée des autres. Elle récitait la poésie ou lisait la musique avec une intelligence surprenante. Elle parlait peu, toujours très-bien, mais avec une netteté exclusive des développements. Quand ces développements lui étaient fournis par le livre, par le rôle, musique ou littérature, elle donnait comme un rayonnement nouveau à la pensée écrite. Elle semblait être l’instrument nécessaire au génie, génie elle-même dans les limites de l’interprétation, si ce génie particulier eût reçu son développement.