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que vous m’avez quelquefois témoigne le désir bienveillant de connaître ce travail, et je croyais bien ne pouvoir jamais m’y décider ; mais à présent, oui, à présent, je sens que je serai heureux de vous le soumettre. Ce livre est votre ouvrage bien plus que le mien, puisque je n’y croyais pas, et que vous m’avez amené à respecter l’élan qui me l’avait dicté. Depuis que vous m’avez rendu la conviction, vous êtes cause que j’ai plus avancé ma tâche en un mois que je ne l’avais fait en dix ans. Vous êtes cause aussi que je finirai certainement une chose que j’eusse peut-être recommencée jusqu’à ma dernière heure. Elle était proche, d’ailleurs, cette heure suprême. Je la sentais venir vite, et je me hâtais fiévreusement, en proie au désespoir de ne voir avancer que la fin de ma vie. Vous m’avez ordonné de vivre, et j’ai vécu, de me calmer, et je me suis calmé, de croire en Dieu et en moi-même, et j’ai cru. À présent que j’ai foi en ma pensée, il faut que vous me donniez la foi en mon talent, car, bien que je ne tienne pas plus que de raison à la forme, je la crois nécessaire pour donner plus de poids et de séduction à la vérité. Tenez, mon amie, lisez !

— Oui ! répondit vivement Caroline ; vous voyez que je n’hésite pas, que je ne me récuse pas : ce n’est ni prudent ni modeste de ma part. Eh bien ! je ne m’en embarrasse point. Je suis tellement sûre de votre talent, que je ne redoute pas d’avoir à être sincère, et je crois tellement à l’accord de nos opinions, que je