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mais. Le bonhomme était idolâtre de ses filles, belles toutes deux comme des anges et aussi bonnes que belles. Sa coquetterie était de les promener parées avec goût, plus fraîches encore que leurs robes et leurs rubans sortant du magasin, de les montrer au soleil et aux lumières de ce brillant Paris où il connaissait fort peu de gens, mais où les regards du moindre passant lui semblaient plus précieux que n’importe quelle ovation dans sa province. Faire des Parisiennes, de véritables Parisiennes de ces deux charmantes créatures, était son rêve. Il y eût dépensé sa fortune, et il l’y dépensa.

Cet engouement de la vie d’amateur à Paris est une fatalité que subissaient encore, il y a quelques années, non-seulement la plupart des provinciaux aisés, mais des castes entières. Tout grand seigneur étranger un peu cultivé s’y précipitait aussi comme l’écolier en vacances, s’en arrachait avec douleur, et occupait le reste de l’année dans son pays à faire des démarches pour obtenir le passe-port qui lui permettrait d’y revenir. Encore aujourd’hui, sans la sévérité des lois qui condamnent les Russes à la Russie et les Polonais à la Pologne, des fortunes immenses viendraient, à l’envi les unes des autres, s’engloutir dans les plaisirs de Paris.

Mesdemoiselles de Saint-Geneix profitèrent très-différemment de leur élégante éducation. Camille, la cadette et la plus jolie des deux, ce qui était beaucoup dire, s’enivra de ce qui enivrait son père, à qui elle ressemblait de figure et de caractère. Elle aima le luxe