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extraordinairement à l’entendre lire, et bientôt même il consentit à se laisser aider par elle dans son travail. Elle fit des recherches pour lui, et prit des notes qu’elle rédigea dans l’esprit où il les désirait, esprit qu’elle parut deviner merveilleusement. Enfin elle lui rendit ses études si agréables et lui en allégea si bien la partie sèche et rebutante, qu’il put se remettre à écrire sans fatigue et sans souffrance.

Le marquis avait certainement bien plus que sa mère besoin d’un secrétaire ; mais il n’avait jamais pu souffrir cet intermédiaire entre lui et l’objet de ses recherches. Il s’aperçut bien vite que non-seulement Caroline ne l’égarait pas dans des idées étrangères aux siennes, mais encore qu’elle l’empêchait de s’égarer lui-même dans des préoccupations inutiles. Elle avait une remarquable netteté de jugement, jointe à une faculté rare chez les femmes, l’ordre dans l’enchaînement des idées. Elle pouvait s’absorber longtemps sans fatigue et sans défaillance. Le marquis fit une découverte qui devait disposer de lui à jamais. C’est qu’il se trouvait en face d’une intelligence supérieure, non créatrice, mais investigatrice au premier chef, précisément l’organisation dont il avait besoin pour donner l’équilibre et l’essor à sa propre intelligence.

Disons-le dès à présent, M. de Villemer était un homme d’un génie très-sain, mais qui n’avait pas encore trouvé et qui attendait sa crise de développement. De là sa souffrance et la lenteur de son travail.