Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

marquis dans sa première jeunesse. Elle avait disparu, laissant une complexion délicate, de grands malaises nerveux, des réactions de force un peu brusques, mais en somme une existence aussi assurée que cent autres plus énergiques en apparence et réellement moins bien trempées, moins soutenues par une volonté saine et une puissance d’élite. Cette fois cependant le mal ancien avait reparu, et même avec assez de violence pour justifier la terreur de Gaëtan et pour produire par moments chez son frère les accablements et les sensations de l’agonie.

— Pas un mot à ma mère ! dit le marquis en se levant et en allant ouvrir la fenêtre. Ce n’est pas demain que je dois succomber ; j’ai encore des forces, je ne m’abandonne pas. Où vas-tu ?

— Parbleu ! je monte à cheval, je cours chercher un médecin…

— Où ? qui ? Il n’y en a point ici qui connaisse assez mon organisation pour ne pas risquer de me tuer s’il m’entreprend au nom de sa logique. Garde-toi bien, si je faiblis, de m’abandonner à ces Esculapes de village, et rappelle-toi que la saignée m’emportera comme le vent emporte une feuille à l’automne. J’ai été assez médicamenté, il y a dix ans, pour savoir ce qu’il me faut, et je me soigne. Tiens, n’en doute pas, ajouta-t-il en montrant au duc des poudres dosées dans un tiroir de son bureau. Voici des calmants et des excitants dont je sais varier l’emploi ; je connais parfaitement mon mal et le traitement. Sois sûr que