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— Du mal ! vous ? Quel mal ? reprit la mère étonnée et inquiète ; vous n’avez jamais commis le mal, mon cher fils !

— Pardonnez-moi, dit le marquis toujours ému. J’ai été coupable le jour où je me suis engagé, par respect pour vous, à payer les dettes de mon frère !

— Taisez-vous ! s’écria la marquise en pâlissant. Ne parlons pas de cela, nous ne nous entendrions pas.

Elle tendit les mains au marquis pour atténuer l’amertume involontaire de cette réponse. Le marquis baisa les mains de sa mère et se retira peu d’instants après.

Le lendemain, Caroline de Saint-Geneix sortit pour mettre elle-même à la poste la lettre chargée qu’elle envoyait à sa sœur, et voir les quelques personnes avec lesquelles, du fond de sa province, elle avait conservé des relations. C’étaient d’anciens amis de sa famille qu’elle ne rencontra pas tous et à qui elle laissa son nom sans donner son adresse, puisqu’elle ne devait plus avoir de domicile qui lui fût propre. Elle éprouva bien une certaine tristesse à se sentir ainsi perdue et comme inféodée dans une maison étrangère ; mais elle ne fit pas de longues réflexions sur sa destinée. Outre qu’elle s’était interdit une fois pour toutes de nourrir en elle-même aucune mélancolie débilitante, elle n’était pas d’un caractère craintif, et aucune épreuve, quelque fâcheuse qu’elle eût été, ne l’avait brouillée avec la vie. Il y avait dans son organisation une étonnante vitalité, une activité ardente, et d’autant plus remarquable qu’elle s’alliait à une grande