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En l’abordant, le duc était encore bien soucieux, et l’altération de ses traits frappa la marquise : — Mon Dieu ! s’écria-t-elle, il y a eu un accident !

— Aucun, chère maman. Rassurez-vous, tout s’est fort bien passé, j’ai eu un peu froid, voilà tout.

Il avait froid en effet, bien qu’il eût encore au front la sueur de la colère et du chagrin. Il s’approcha du feu qui brûlait le soir, en toute saison, dans le salon de la marquise ; mais, au bout de peu d’instants, l’habitude de se vaincre, qui est toute la science du monde, et le feu d’artifices des paroles et des rires de Léonie dissipèrent son amertume.

Mademoiselle de Saint-Geneix vint embrasser son ancienne compagne de couvent. — Ah ! mais vous êtes pâle aussi, dit la marquise à Caroline. Vous me cachez quelque chose ! Il y a eu un accident, j’en réponds, avec ces maudites bêtes !

— Non, madame, répondit Caroline, aucun, je vous le jure, et, pour vous rassurer, je veux tout vous dire : j’ai eu très-peur.

— Vraiment ? De quoi donc ? dit le duc : ce n’est pas de votre cheval au moins ?

— C’est peut-être de vous, monsieur le duc ! Voyons, est-ce vous qui, pour vous moquer, avez arrêté ce cheval, pendant que j’étais seule, au pas, dans l’allée verte ?

— Eh bien ! oui, c’est moi, répondit le duc. J’ai voulu voir si vous étiez aussi brave que vous le paraissiez.