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par esprit de corps de la doctrine des bons principes ; mais Caroline se disait avec raison que sa noblesse était mince, contestable peut-être. Ses ancêtres, anciens échevins de province, avaient été anoblis sous Louis XIV ; son père prenait sans grande vanité le titre de chevalier. Elle voyait donc bien que le dédain de la marquise pour les classes inférieures était une question du plus au moins, et qu’une fille pauvre et de petite noblesse était, à ses yeux, deux fois son inférieure à tous égards.

Cette découverte n’éveillait pas une sotte susceptibilité chez mademoiselle de Saint-Geneix, mais son équité naturelle se révoltait contre une pareille injustice si solennellement imposée comme un devoir à sa conviction. — Eh quoi, se disait-elle, ma vie de misère, de dévouement, de courage et de gaieté quand même, mon renoncement volontaire à toutes les joies de la vie, ne seraient rien auprès de l’héroïsme d’une Xaintrailles qui admet l’idée de se contenter de deux cent mille livres de rente pour épouser un homme accompli ! C’est parce qu’elle est une Xaintrailles que son choix est sublime, et, parce que je ne suis qu’une Saint-Geneix, mon immolation est une chose vulgaire et obligatoire !

Caroline écarta ses pensées d’un juste orgueil froissé, mais elles creusèrent en passant un léger sillon sur sa figure expressive. La beauté fraîche et vraie ne peut rien cacher. Le duc s’empara de cet indice et s’attribua ce chagrin secret. Son erreur augmenta