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— Mon Dieu ! voilà où j’en suis ! — Et le duc raconta à son frère comme quoi il lui avait menti d’abord en se disant amoureux de Caroline, dans la louable intention de le rendre amoureux d’elle, comme quoi, voyant qu’il n’y avait pas réussi, il avait conçu le plan de se faire aimer sans aimer lui-même, et comme quoi enfin il était devenu amoureux tout de bon sans certitude d’être payé de retour. Pourtant il ajouta qu’il comptait sur la victoire pour peu qu’il eût le courage de ne pas se déclarer, et il raconta tout cela dans des termes si délicats ou si ambigus qu’il ne fut pas permis au marquis de lui faire la morale sans se montrer ridicule. Puis, quand celui-ci, revenu de sa stupeur, essaya de lui parler du repos de leur mère, de la dignité de leur intérieur, n’osant, dans son trouble, articuler quoi que ce soit sur le respect dû à Caroline, le duc, craignant tout à coup que son frère ne se fît un devoir de l’avertir, jura qu’il ne ferait rien pour la séduire, mais que si d’elle-même elle se jetait vaillamment dans ses bras à un moment donné, sans conditions et sans calcul, il était capable de l’épouser. Était-il sincère cette fois ? Oui, probablement, comme il l’avait toujours été lorsque le désir lui avait fait paraître possible tout ce que la passion lui avait ensuite fait éluder.

Comme il parlait avec une certaine conviction, le marquis n’osa se prononcer contre cette récidive inattendue de son étrange projet. Il savait que leur mère ne comptait pas pouvoir faire faire un bon mariage à