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Moi, j’ai honte de la robe qui m’est destinée, une robe de soie gris de perle magnifique. Ah ! que j’ai été sotte de dire que j’aimais à être bien mise ! Une robe de quarante francs eût suffi à mon ambition, et m’en voilà pour deux cents sur le corps, pendant que ma pauvre sœur raccommode ses guenilles ! Je ne sais où me cacher ; mais ne crois pas au moins que je sois humiliée de recevoir un cadeau. Je m’acquitterai de ces bontés-là en conscience, mon cœur me le dit. — Tu vois, Camille, tout me réussit, à moi, quand je m’en mêle ! Je tombe du premier coup sur une femme excellente, je gagne plus que je n’acceptais, et je suis accueillie et traitée comme un enfant que l’on veut adopter et gâter. Et quand je pense que tu me retiens depuis six mois en t’imposant un surcroît de privations, en t’arrachant les cheveux à l’idée que je veux travailler pour toi ! Bonne sœur, vous étiez donc une mauvaise mère ? Est-ce que ces chers trésors d’enfants ne devaient pas passer avant tout, et faire taire même notre amitié ? Ah ! j’ai eu bien peur d’échouer pourtant, je te le confesse aujourd’hui, quand j’ai emporté de la maison nos derniers louis pour payer mon voyage, au risque de revenir sans avoir plu à cette dame !… Dieu s’en est mêlé, va, Camille ! Je l’ai prié ce matin de si grand cœur !… Je lui ai tant demandé de me rendre aimable, convenable et persuasive… À présent je vais me coucher, car je tombe de fatigue. Je t’aime, petite sœur, tu sais, plus que tout au monde, et beaucoup plus que moi. Ne me plains donc pas, je