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journée, qu’elle ne l’avait été dans sa famille, elle avait ses matinées et la dernière heure du soir pour savourer l’austérité de la solitude et pour interroger sa propre destinée, liberté dangereuse qui ne lui avait jamais été permise lorsqu’elle avait eu quatre enfants et un ménage nécessiteux sur les bras. Elle se réfugiait dans la poésie des contemplations et y trouvait une douceur enchanteresse par moments ; par moments aussi, une amertume sans cause et sans but lui rendait la nature ennemie, la marche fatigante et le sommeil accablant.

Elle se débattait avec courage, mais ces accès de mélancolie n’échappèrent point à l’œil attentif du duc d’Aléria. Il remarquait, en de certains jours, une nuance bleuâtre qui semblait creuser son orbite et une certaine résistance involontaire dans les muscles du sourire. Il pensa que l’heure approchait, et il appuya sur le système qu’il avait adopté. Il fut plus prévenant et plus attentif, et lorsqu’il la vit reconnaissante, il se hâta de lui rappeler délicatement que l’amour n’y était pour rien. Ce grand jeu fut encore en pure perte. Caroline était trop simple pour que l’habileté n’échouât pas auprès d’elle. Quand le duc l’entourait d’attentions délicates et charmantes, elle croyait à son amitié, et quand il s’efforçait de la piquer par des restrictions, elle se réjouissait d’autant mieux qu’il n’y eût là que de l’amitié. L’amour-propre ne permit pas au duc de voir clair dans la seconde phase de son entreprise. La confiance était venue ;