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de la façon la plus naturelle et la moins prévue en apparence l’occasion de la rencontrer dans ses promenades, il mettait à profit ses rencontres pour paraître ne point désirer les prolonger, et pour s’éloigner lui-même d’un air de discrétion et avec une nuance de regrets sans trop d’efforts, qui conciliait la politesse aimable avec l’indifférence provoquante.

Il déploya toute cette science sans que Caroline en prît le moindre soupçon. Sa propre franchise ne lui permettait pas de deviner un plan de cette nature. Au bout de huit jours, elle était aussi à l’aise avec lui que si elle n’eût jamais conçu de méfiance, et elle écrivait à madame Heudebert :

« Le duc est bien changé à son avantage depuis l’événement de famille qui l’a fait rentrer en lui-même, ou bien il n’a jamais mérité les accusations de madame de D. C’est peut-être cela qui est vrai, car je ne puis croire qu’un homme si exquis de manières et de sentiments ait jamais voulu perdre une femme pour le seul plaisir d’avoir une victime à afficher. Elle prétendait (madame de D.) qu’il avait agi ainsi, avec toutes ses conquêtes, par libertinage et vanité. Le libertinage, je ne sais trop ce que c’est dans l’existence d’un homme de haut rang. J’ai vécu avec des gens sages, et je n’ai vu la débauche que chez ces pauvres ouvriers qui perdent la raison dans le vin et battent leurs femmes dans des accès de frénésie mortelle. Si le vice des grands seigneurs consiste à compromettre les femmes du monde, il faut