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sont l’œuvre de Dieu, donc elles sont bonnes et belles. L’homme n’y peut rien changer. Son contrôle, son observation, son admiration, même son éloquence descriptive, n’y ajoutent rien du tout. Quand vous vous extasiez sur un pommier en fleurs, je ne trouve pas que vous ayez tort ; je trouve, au contraire, que vous avez trop raison, et que ce n’est pas la peine de louer ce pommier qui ne vous entend pas, qui ne fleurit pas pour vous plaire, et qui fleurira ni plus ni moins, si vous ne lui dites rien. Prenez garde que quand vous vous écriez : « Que c’est beau, le printemps ! » c’est absolument comme si vous disiez : « Le printemps est le printemps. » Eh bien ! oui, il fait chaud en été parce que Dieu a fait le soleil. La rivière est limpide parce que c’est de l’eau courante, et c’est de l’eau courante parce que son lit est incliné. C’est beau parce qu’il y a dans tout cela une grande harmonie : mais s’il n’y avait pas cette harmonie, tout cela n’existerait pas.

Tu vois ici que la marquise n’est point du tout artiste, et qu’elle a des raisonnements à son service pour ne pas comprendre ce qu’elle ne sent pas ; mais en ceci n’est-elle pas comme tout le monde, et ne faisons-nous pas tous comme elle à propos de quelque faculté qui nous manque ?

Comme elle me parlait ainsi, assise sur un banc de jardin, et bien fatiguée d’avoir fait de l’exercice, c’est-à-dire une centaine de pas dans une allée sablée, un paysan vînt à la porte du jardin pour vendre du