Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les beaux marmots que je rencontre, cela ne dure pas. Au bout d’un instant, je les compare aux tiens, et je sens que les tiens n’auront pas de rivaux sérieux dans mon cœur… Et pendant que je me réjouis d’être aux champs, voilà que je pense que je suis beaucoup plus loin de vous qu’auparavant ! Et quand vous reverrai-je ?

Hélas ! que les rochers sont durs ! Mais rien ne sert de lutter contre tous ceux qui encombrent la vie des pauvres gens comme nous. Il faut faire son devoir et s’attacher à la marquise. L’aimer n’est pas difficile. Tous les jours, elle est meilleure pour moi ; c’est presque une mère en vérité, et elle a des gâteries qui me font oublier ma position réelle. Nous pensions trouver le marquis ici, où il avait donné rendez-vous à sa mère. Il ne peut tarder d’arriver. Quant au duc, ce sera, je crois, pour la semaine prochaine. Espérons qu’il sera aussi bien pour moi à la campagne qu’il l’était récemment à Paris, et qu’il ne m’obligera plus à faire montre d’esprit…

Une autre fois, Caroline rapportait à sa sœur l’opinion de la marquise sur la vie de campagne.

— Ma chère enfant, me disait-elle tantôt, pour aimer la campagne, il faut aimer bêtement la terre ou déraisonnablement la nature. Il n’y a pas de milieu entre l’abrutissement et l’extravagance. Or vous savez que si j’ai quelque pointe d’excitation et même d’exaltation dans l’esprit, c’est plutôt à propos des choses de la société qu’à propos de ce qui est régi par des lois naturelles, toujours les mêmes. Ces lois-là