Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des vicissitudes sociales. Je trouve ici une race très-caractérisée qui est en harmonie physique avec le sol qui la porte : maigre, sombre, rude, et comme anguleuse dans ses formes et dans ses instincts ; mais je vois en elle surtout la vivante empreinte du régime féodal, un esprit de soumission aveugle en réaction perpétuelle avec un esprit de révolte farouche, une lutte entre la superstition qui accepte tous les abus et les passions violentes que la superstition exalte. Nulle part le joug du prêtre ne s’est fait plus absolu, nulle part la réaction révolutionnaire contre le prêtre n’a été et ne serait peut-être encore plus brutale à un jour donné. Si j’ai pensé à la campagne de Rome en te décrivant le bassin du Puy, qui en diffère si essentiellement, c’est probablement parce que j’ai été frappé d’un certain rapport, non pas le rapport physique de ce temple, qui domine le tableau par sa tournure austère et sa position hardie, autant au moins que celui de Rome domine le désert environnant par la puissance de sa masse, mais un rapport intellectuel et moral dans l’esprit des populations. Sauf la forte différence qui résulte de l’amour du gain et de l’ardeur au travail inhérents aux esprits montagnards, il y a ici de grandes ressemblances avec le peuple des États romains. Le culte passionné des images qui est un reste de l’idolâtrie païenne, la foi stupide aux petits miracles locaux, les vices du cloître, la haine et la vengeance en première ligne, voilà, non pas le paysan velaisien tel qu’il est aujourd’hui, — il s’est beaucoup amendé