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cier de ce bon mouvement de votre cœur ! — Et je lui baisai la main avec vivacité, ce qu’elle ne trouva pas mauvais.

— Pourtant, reprit-elle après un autre silence, où elle semblait se défier de son inspiration, si vous étiez légère et un peu coquette ?

— Je ne suis ni l’une ni l’autre.

— J’espère que non ! Pourtant vous êtes très-jolie. On ne m’avait pas dit ça non plus, et je vous trouve même, à mesure que je vous regarde, remarquablement jolie. Cela m’inquiète un peu, je ne vous la cache pas.

— Pourquoi, madame ?

— Pourquoi ? Oui, vous avez raison. Les laides se croient belles, et au désir de plaire elles ajoutent le ridicule. Il vaut peut-être mieux que vous soyez capable de plaire, … pourvu que vous n’en abusiez pas. Voyons, êtes-vous assez bonne fille et assez femme forte pour me raconter un peu votre existence passée ? Avez-vous eu quelque roman ? Oui, n’est-ce pas ? Il est impossible qu’il en soit autrement ? Vous avez vingt-deux ou vingt-trois ans…

— J’en ai vingt-quatre, et je n’ai pas eu d’autre roman que celui que je vais vous raconter en deux mots. À dix-sept ans, j’ai été recherchée en mariage par une personne qui me plaisait, et qui s’est retirée en apprenant que mon père avait laissé plus de dettes que de capital. J’ai eu beaucoup de chagrin, mais j’ai oublié cela, et j’ai juré de ne pas me marier.