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LE CURÉ. — Tous n’oseront pas, madame. Il y a des gens fiers, et ce sont les plus à plaindre. Il vous faudrait aller chez eux gagner leur affection… cela vous serait si facile !

DIANE. — Aller chez eux ? Oui j’irai !… Mais dites-moi, sont-ils propres ? La malpropreté me fait horreur !

LE CURÉ. — Si vous êtes délicate à ce point, n’y allez pas, madame, car la misère a beau se préserver, il lui est difficile…

DIANE. — Je vois, mon cher pasteur, que mon sybaritisme vous scandalise.

LE CURÉ. — Je ne me permets pas…

DIANE. — Si fait, dites la vérité. J’aime assez à me faire dire mes vérités. Cela me contrarie, mais cela m’intéresse.

LE CURÉ. — Je n’ai pas assez l’honneur de vous connaître pour vous dire vos vérités, madame ; mais je crois comprendre que vous ne vous plaisez point à la campagne, et je pense que la bienfaisance active dissiperait vos ennuis.

DIANE. — Vous avez peut-être raison ; mais ce n’est pas la campagne qui m’ennuie, c’est la vie.

LE CURÉ. — Ah ! madame ! Cette vie est une vallée de larmes, et nous y sommes pour mériter le ciel.

DIANE. — Non, l’abbé, c’est une plaine de bâillements, et nous y sommes pour douter de tout.

LE CURÉ. — Que dites-vous, madame ? Vous auriez le malheur de douter ?

DIANE. — En théorie, c’est-à-dire en politique, je ne doute pas de l’Église romaine, et je la soutiens envers et contre tous. Si cette déclaration ne vous suffit pas pour me donner l’absolution à tous autres égards, vous êtes plus exigeant que la plupart des prêtres que je connais.

LE CURÉ. — Madame, je ne suis point un homme politique ; je suis un pauvre curé de campagne et un homme sincèrement convaincu. Je ne transige donc pas, et j’aimerais mieux pouvoir vous donner la vraie foi de l’esprit que de recevoir de vous cette froide adhésion à la lettre.

DIANE. — Vous m’intéressez, cher curé, vous êtes un bon