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DEUXIÈME PARTIE




SCÈNE PREMIÈRE


Vendredi matin, sur une montagne


RALPH, JACQUES.

RALPH. — Il m’en coûte de vous dire adieu. Huit jours pour connaître un homme tel que vous, ce n’est pas assez.

JACQUES. — Je voudrais pouvoir passer ma vie auprès de vous, car il me semble que nous sommes frères ; mais vous me connaissez, soyez-en certain, et tel que vous me voyez tel je suis toujours.

RALPH. — J’admire l’égalité de votre âme.

JACQUES. — La vôtre n’est-elle pas aussi calme et aussi unie ?

RALPH. — Oui, mais c’est une affaire de tempérament. Je suis calme par nature, vous l’êtes par volonté.

JACQUES. — Ne me grandissez pas. Je suis calme par la lassitude, rien de plus. J’ai beaucoup souffert, je me repose, ne pouvant plus m’agiter.

RALPH. — Êtes-vous heureux ? pardonnez-moi de vous faire si tard une si étrange question. Je n’ai pas osé vous la faire plus tôt.

JACQUES. — Ah ! c’est une question étrange, en effet, et que je n’ose pas du tout vous adresser pour ma part.

RALPH. — Vous le pouvez. Je suis heureux. J’adore ma femme, mes enfants. Dieu ne m’a pas retiré aucun des ob-