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sionnément ; mais je n’y crois pas. Dis donc, Jenny, j’ai envie de faire une chose. C’est de lui dire toute la vérité sur l’histoire des lettres. À présent que je les ai, je ne crains plus rien, parce que j’aurai tout le mérite d’une confession avec lui. Si cela l’indigne, il s’en ira sans avoir le droit de m’accuser de perfidie. Il n’aura, au contraire, que trop de franchise à me reprocher, et je serai délivrée de lui avec honneur. Il est trop loyal pour me diffamer ou pour se plaindre, lui ; du moment que je lui aurai donné cette preuve de ma loyauté ! Si cela le fait souffrir sans l’indigner, s’il persiste à vouloir m’épouser… eh bien, ce sera très-joli de sa part, et je crois que j’en serai touchée.

JENNY. — Ah ! madame, cette idée qui vous vient là, j’allais vous la dire, car je l’ai depuis le moment où j’ai prié Florence de ravoir les lettres. J’avais résolu, aussitôt que je vous verrais bien disposée, de me mettre à vos genoux et de vous supplier d’être sincère et courageuse avec monsieur Gérard. Si j’avais pensé que vous dussiez ne vous servir de votre victoire sur Myrto que pour tromper davantage, j’aurais, je crois, regretté ce que j’ai fait et fait faire pour vous. Cependant, écoutez, ma chère maîtresse, je n’entends pas comme vous la confession que vous voulez faire. Si c’est pour renvoyer monsieur Gérard, elle est cruelle bien inutilement. Si c’est avec l’idée seulement de l’éprouver, elle n’est pas assez vraie, pas assez bonne.

DIANE. — Tu veux que ce soit avec la résolution de l’épouser, s’il sort triomphant de l’épreuve ? Ah ! certes non ! Je verrai, je me tâterai. Si son dévouement me touche beaucoup… mais je ne sais pas encore quel effet ça me fera. Peut-être qu’il sera trop facile, trop aveuglé, et qu’il prendra ça si bêtement que ça me fera rire.

JENNY. — Mon Dieu, il y a des moments où vous êtes si ingrate pour les autres, que je me demande si vous n’êtes pas mauvaise.

DIANE. — Eh ! Jenny… tu vas trop loin, ma chère ! Je te passe cela parce que tu es malade.

JENNY. — Oh ! fâchez-vous, grondez-moi si vous voulez ; je