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trie à tous les instants du jour et de la nuit, que diable ?… N° 10, Eugène !

EUGÈNE. — J’y suis. Un cran plus haut c’est ça. Le premier acte se passera donc dans la campagne ?

MAURICE. — Il le faut bien, puisque nous avons mis ce décor-là. N° 3, y es-tu ?

EUGÈNE. — Le piton est tombé. Vite, un piton, Damien ! Émile, tiens donc bien ta bougie ; tu m’en jettes sur les mains, philosophe !

DAMIEN. — Il verse

       … des torrents de bougie
       Sur ses obscurs blasphémateurs.

EUGÈNE. — Que le diable l’emporte ! j’en ai plein les cheveux. Ah çà, tout est prêt, je crois ? Moi, je fume une cigarette.

MAURICE. — Moi, je souperais bien. Le déjeuner de la lorette est dans mes talons. Émile, vous qui ne faites rien, allez nous chercher dans l’armoire un bon morceau de pain bis et un joli fromage.

ÉMILE. — J’y vas, j’ai faim aussi. Je me suis égosillé à bavarder avec le gros curé.

(Il sort.)

EUGÈNE. — Excellent enfant qu’Émile ! Il aime la politique et la discussion, et avec nous il est aussi gai, aussi insouciant que nous-mêmes !

MAURICE. — C’est qu’il n’est pas pédant, et qu’il sait que nous ne sommes pas égoïstes.

EUGÈNE. — D’ailleurs… L’homme d’esprit s’amuse de tout. L’ignorant seul critique sans discernement.

DAMIEN. — Où recueilles-tu cette sentence ?

EUGÈNE. — D’un bateleur, sur la place du Louvre.

ÉMILE, rentrant. — Voilà le fromage demandé.

DAMIEN. — Vive Émile ! Quand la marmite sera renversée, nous l’emmènerons avec nous pour donner le spectacle des marionnettes à toute la France.