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DIANE. — Gérard !… Qui te parle de Gérard ?… Je te parle de Florence.

JENNY. — J’entends bien. Vous l’aimez ?

DIANE. — Non, mais il me plaît, et un peu plus, ce serait de la passion.

JENNY. — Vous vous vantez, madame ! Vous n’aimeriez pas votre jardinier !

DIANE. — Est-ce qu’il est mon jardinier ? Quelle plaisanterie ! C’est un plébéien, j’en conviens ; mais il y en a tant maintenant dans le monde, qui sont remarqués, goûtés, et qui dament le pion à tous nos freluquets ! Est-ce que tous les artistes ne sont pas des fils d’artisans ? Est-ce qu’ils manquent de succès ? Il n’y a plus de passions dans le grand monde que pour ces gens-là, et ils ont beau dire, les plus démocrates d’entre eux sont vivement flattés de plaire aux plus aristocrates d’entre nous. C’est le monde renversé, disent nos grand’-mères. Eh bien, il n’y a que le monde renversé qui procure des émotions et qui agite encore la pensée dans le cerveau et l’amour dans le cœur.

JENNY. — Mais il vous faudrait donc l’aimer en secret ? Vous ne l’épouseriez jamais ?

DIANE. — L’aimer en secret ? C’est ce qu’il veut, va ! et ce serait charmant ! L’épouser un jour ! Eh bien, pourquoi pas ?

JENNY. — Ah ! que vous m’étonnez, madame ! Plus je vous vois et moins je vous comprends ! Vous avez de pareilles idées, et voilà que vous riez, que vous faites des projets pendant que Myrto emmène ce jeune homme !

DIANE. — Bah ! que tu es sotte ! Entre une fille comme elle et une femme comme moi, tu crois qu’un homme de cet esprit-là va hésiter un instant ? S’il n’allait pas au rendez-vous qu’elle lui a arraché en échange de mes lettres, il serait un sot ; mais demain matin il sera ici.

JENNY. — Et il vous plaira encore demain matin ?

DIANE. — Eh bien, est-ce qu’un homme est déshonoré pour une fantaisie comme ça ?

JENNY. — Vous êtes donc bien différente de moi ! À votre