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JACQUES. — Sans aucun doute, et telle que je vous comprends maintenant, je vous aime beaucoup mieux que tout à l’heure. Vous posez, voilà votre travers ; et vous, qui raillez tant la faiblesse et le ridicule dans la société et dans l’humanité, vous ne vous doutez pas que vous avez un ridicule bien conditionné, celui d’affecter un caractère bien trempé et bien logique, qui n’est pas le vôtre. Vous êtes coquette beaucoup plus innocemment que vous ne pensez, car vous devez vous prendre un jour dans vos propres filets, et je serais bien étonné si cela ne vous était pas déjà arrivé… plus d’une fois peut-être !

DIANE. — Ah ! monsieur Jacques, que me dites-vous là ? vous voulez que je me confesse à ce point ?

JACQUES. — Non pas ! c’est inutile ; je crois que je devine votre passé. Vous avez dû être légère quelquefois, et puis vous en repentir beaucoup, car vous avez des instincts de dignité qui se révoltent lorsque vous vous sentez glisser sur la pente où vous cherchiez à vous élever. Vous éprouvez le besoin d’aimer et vous êtes capable d’aimer ; donc vous avez déjà aimé ! Vous ne vous en souvenez plus, parce que l’aversion, le mépris peut-être sont venus à la suite. Mais rentrez en vous-même ; faites la guerre à l’estime exagérée que vous avez de votre force ; reconnaissez que vous êtes dupe de votre illusion et que votre miroir vous trompe. Préservez-vous, au contraire, de votre principale infirmité, qui est la faiblesse. Tâchez de rendre votre cœur fort. Il faut être très-fort pour aimer et pour se dévouer. Quand vous en serez là, vous saurez choisir sans l’aide de personne, et Dieu vous conseillera beaucoup mieux que moi. Adieu, madame.

DIANE. — Merci, monsieur Jacques, merci ! J’accepte tout cela. J’y réfléchirai, et vous verrez, vous verrez que j’aurai la force de devenir forte ! Je ne vous dis pas adieu. Bonsoir ! Je veux vous voir souvent !

JACQUES. — Bonsoir donc, et puissé-je vous être bon à quelque chose !

(Jenny entre.)