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épisode d’une série d’autres compositions du même genre, prises également dans la fantaisie, au beau milieu de l’actualité. Ainsi, je comptais faire le Diable à la ville, le Diable en voyage, etc.

Mais si on juge de l’étendue de ce plan par la forme, on n’en jugera pas par le fond ; voici pourquoi :

Je commençais ce premier ouvrage à la fin de septembre 1851, je l’achevais le 12 novembre de la même année. J’avais encore mes coudées franches pour faire parler mes types avec liberté et pour juger l’époque avec impartialité ; non pas avec cette impartialité froide qui est la sagesse de l’indifférence, mais avec cette équité nécessaire qui voit le bien et le mal sans prévention et sans complaisance où ils sont et où qu’ils soient. Au moment où j’écrivais avec cette liberté morale, il y avait peut-être utilité à le faire. Tous les partis subissaient, soit en réalité, soit en espérance, l’ivresse du triomphe. Le danger du lendemain était partout, c’était donc le jour de dire la vérité ; mais le 2 décembre vint vite, et, en présence des partis vaincus au profit d’un seul, l’impartialité perdait ses droits. Gourmander ceux qui partent, ceux qui souffrent, ceux qui meurent, qu’ils soient plus ou moins nos amis ou nos ennemis, ce serait une lâcheté.

Voilà pourquoi le Diable aux champs arrive aujourd’hui expurgé de toute discussion vive et de toute physionomie accusée dans l’actualité. L’esprit du livre est resté ce qu’il était, rien n’y a été changé, mais beaucoup de détails ont été supprimés. Peut-être que le roman y a gagné : il n’était que le prétexte du livre, il en est devenu le but. Je ne donne donc pas ces explications pour me plaindre des coupures que j’ai dû y faire, mais pour motiver la date