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Comme je suivais des yeux sa sortie, je rencontrai dans un vieux miroir historié, penché au-dessus de la porte, le regard de Félicie. Hélas ! ce regard, l’expression de sa physionomie, disposèrent de moi, et mon âme plia sous la sienne comme un brin d’herbe sous un souffle d’orage. Elle détourna précipitamment les yeux, se leva et alla chercher la cafetière dans le foyer ; mais son teint pâle s’était coloré d’un feu subit, et dans cet éclair elle s’était transfigurée.

Interdit, résolu à ne rien manifester, j’évitai de la regarder. Elle fit comme moi ; mais le soin que nous prîmes n’aboutit qu’à la rencontre fréquente et inévitable de ce double courant magnétique qui nous enveloppait. Sous l’empire de l’amour, Félicie devenait tout à coup divinement belle ; le marbre s’était fait femme. La crainte caressante, la pudeur, la passion comprimée, la soumission, l’abandon de sa fière personnalité, l’humilité tendre, la douceur, ce charme profond auquel rien ne résiste, toutes les faiblesses, toutes les puissances de la femme étaient en elle, et je ne sais pas d’homme qui raisonne et résiste quand ce rayon du ciel tombe sur lui. Je voyais Félicie pour la première fois, je ne l’avais jamais vue, jamais pressentie. Tout ce que je m’étais dit contre elle n’était que sophisme et déraison. Une heure ne s’était pas écoulée depuis qu’elle m’était révélée, et je l’aimais, et son souffle remplissait pour moi l’atmosphère où je respirais pour la première fois les parfums de la vie céleste. Le frôlement de ses tresses