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ment. Elle vous rend exigeante envers ceux-là mêmes que vous chérissez, et, si vous n’y prenez garde, votre affection prendra l’allure du despotisme. Il y a dans votre manière de céder à leurs fantaisies quelque chose de découragé et de méprisant, et cent fois par jour vous levez la main pour briser vos idoles, quand il serait si facile de les gouverner comme je les gouverne, par la persuasion.

Je ne sais ce que je lui dis encore sur ce thème. Elle m’écoutait avec une attention morne, comme si mes paroles l’eussent accablée sans la persuader, et pourtant, lorsque je me taisais, elle me disait : « Parlez encore, faites que je comprenne ; » et, quand je changeais d’attitude : « Gardez mes mains dans vos mains froides, disait-elle. J’ai la fièvre, vous me l’ôtez. »

Quand j’eus dit tout ce que je croyais être l’analyse de son mal, elle me demanda le remède soudain, miraculeux, comme si j’eusse été un sorcier ou un saint.

— Vous allez me tracer ce qu’il faut faire pour me changer, dit-elle. Vous voulez que je sois gaie, aimable, que j’invite mes voisins, que je fasse de la musique, que j’aille dans les fêtes, que je m’habille avec luxe, que je devienne coquette ? Est-ce là ce que vous me conseillez ? Je peux le faire ; mais le secret de prendre plaisir à tout cela, vous ne me le donnez pas.

— Mais je ne vous conseille rien de tout cela ! Je ne sais rien des relations que vous pourriez établir et