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à sept heures avec Félicie et Tonino, et, pour occuper le reste de la soirée, je m’amusais à donner des notions de mathématiques et de géologie pratique au jeune baron. C’était une étrange organisation, merveilleusement intelligente pour tout ce qui parlait aux sens, fermée aux choses idéales. La volonté y était pourtant. L’attention et la docilité étaient parfaites, et, si je ne lui apprenais rien d’exact, du moins j’ouvrais tant soit peu son esprit au raisonnement. Je n’ai jamais rencontré de naturel plus sympathique et plus affectueux. Je le pris en amitié réelle, et je me laissai aller à le gâter. Félicie me le reprochait ; mais, par le fait, tout en le rudoyant, elle le gâtait encore plus, et malgré sa prétention de n’aimer que son frère, je vis bien alors qu’elle aimait Tonino pour le moins autant.

Cette affection me parut légitime et sainte. Et voyant combien Tonino était enfant et porté aux effusions candides, j’oubliai complétement, je me reprochai presque les soupçons que j’avais conçus sur son intimité avec Félicie. Il était presque aussi prévenant et aussi caressant avec moi qu’avec elle, et, quand je m’étais donné de la peine à sa leçon, il me baisait les mains malgré moi. Je perdais mon temps à lui dire que cela ne convenait pas ; il répondait que cela se faisait en Italie, et, en me conduisant à ma chambre, il baisait mon chapeau ou mon livre avant de me les présenter.

Félicie, toujours pleine de soins et d’attentions, se