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et de son affection pour moi, elle avait espéré se purifier par une mort qu’elle jugeait héroïque, et dont l’athéisme n’avait pas empêché l’épouvante. Cela était affreux, mais elle avait, certes, cru faire le contraire d’une lâcheté, puisqu’elle comptait sur le sacrifice de sa vie pour se racheter à mes yeux. Pauvre Félicie !

Je rangeai avec un soin respectueux la chambre où elle avait dormi son dernier sommeil, et, quand la nuit fut venue, je remplis son dernier vœu en portant des fleurs sur sa tombe. J’y pleurai de toute la pitié de mon âme, et je lui envoyai avec ferveur le pardon absolu qui peut et doit franchir l’horizon de cette vie.

Je me retirais, vers minuit, quand je trouvai un homme qui s’effaçait pour ne pas se croiser avec moi à la porte du cimetière. Je le reconnus malgré le soin qu’il prenait de se cacher. C’était Sixte More.

— Pourquoi m’éviter ? lui dis-je. Il n’y a plus de mauvais souvenirs au seuil de ce triste lieu.

Il se jeta dans mes bras en pleurant ; il avait beaucoup aimé Félicie.

— Monsieur Sylvestre, dit-il en m’emmenant un peu plus loin au dehors, il faut que vous sachiez tout. Ce n’est pas la bassesse de son amant, ce n’est pas la fierté de son mari, c’est moi, ce sont mes menaces qui l’ont tuée !

— Ce n’est pas vrai. Sixte, c’est impossible ! vous n’avez pas manqué à votre serment ?

— Je n’avais pas juré de ne lui rien dire, à elle !