Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/328

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il s’étonnait de mon inquiétude ; je le priai de m’attendre. Je rentrai dans la maison, j’allai frapper à la porte de Félicie ; on ne me répondit pas. Les servantes alarmées me dirent qu’elles avaient déjà frappé inutilement, que la maîtresse était enfermée, qu’elle ne dormait pas, car elles l’avaient entendue remuer, mais qu’elle ne voulait pas répondre et qu’elles ne savaient que faire.

J’enfonçai la porte. Félicie était assise sur un fauteuil auprès de la table, la tête appuyée sur ses mains, les membres tellement roidis, que je ne pus changer son attitude ; puis tout à coup le corps s’assouplit, la peau brûlante se refroidit rapidement, la tête se laissa relever, les yeux s’ouvrirent, et les lèvres articulèrent des mots confus.

Morgani, attiré par le bruit que j’avais fait pour enfoncer la porte, s’élança vers moi et me dit :

— De l’air, de l’air ! elle étouffe.

Pendant que j’ouvrais la fenêtre, Félicie expirait dans ses bras. Le docteur, éperdu, me montra d’un geste expressif une lettre ouverte et un verre vide sur la table. Je respirai d’abord le verre, il avait contenu du laudanum. Je jetai les yeux sur la lettre : elle était adressée à Tonino ; je m’en saisis, je la cachai dans ma poche.

— Il faut la lire, me dit Morgani.

— Elle n’est pas pour moi.

— N’importe, il faut savoir si elle s’est donné la mort volontairement.

— Il n’y a pas à en douter, repris-je en lui présen-