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plus égale et plus forte que de coutume. C’était le signe d’un bon sommeil. Je marchai légèrement, et je descendis au jardin. Quelques instants après, je vis passer le vieux médecin qui commençait sa tournée. Je l’appelai, et nous causâmes de la santé de Félicie. Il m’approuva de l’avoir fait promener et me conseilla de réitérer les excursions. Il l’avait vue quelques jours auparavant, il la trouvait très-bien. Je crus devoir lui dire pourtant qu’elle était plus triste que de coutume et comme indifférente à tout ce qui d’ordinaire réagissait sur elle. Je lui fis même observer que ses fenêtres n’étaient pas encore ouvertes. C’était la première fois que je la voyais dormir aussi tard. Enfin je le priai d’attacher son cheval à la porte et d’attendre un peu avec moi que ma femme fût visible. Il y consentit.

Une demi-heure s’écoula. Nous parlions d’elle.

— Vous avez suivi mon conseil, me disait Morgani ; vous avez, par je ne sais quel moyen et sous je ne sais quel prétexte, — cela ne me regarde pas, — empêché le retour de Tonino ; vous avez bien fait. Ce drôle lui a causé de grands chagrins, et, si elle n’eût été une femme forte comme elle l’est, il eût pu l’entraîner dans de grands malheurs. À présent, tout va bien : elle est calme, vous voyez, elle dort le matin. Elle vous paraît morne, c’est l’activité fébrile qui cède. Ne vous inquiétez pas, vous l’avez soignée et traitée avec l’intelligence du dévouement. Vos peines ne seront pas perdues ; bientôt vous en recueillerez le fruit.

Ainsi parlait le médecin, et Félicie ne s’éveillait pas.