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— Non, répondit-elle d’une voix résolue ; entrez si vous voulez !

— Pourquoi ne dormez-vous pas ? lui dis-je en entrant. Il faut que vous souffriez beaucoup, puisqu’en vous retirant vous éprouviez le besoin de dormir.

— Je ne souffre pas, dit-elle, vous le savez bien ; vous avez dû entendre que je faisais de la musique, puisque vous ne vous êtes pas couché.

— J’étais inquiet de vous. Nous nous sommes quittés hier soir comme nous ne nous quittons jamais ; vous m’avez froidement retiré votre main, et vous paraissiez irritée. Si je vous ai offensée, sachez que je n’ai jamais eu d’intention cruelle envers vous. Je vous le jure, ne me croyez-vous pas ?

— Sylvestre ! s’écria-t-elle d’une voix sourde et âpre, vous pouvez jurer tout ce qu’il vous plaira, je ne vous croirai plus. Vous me haïssez au point que tantôt vous avez voulu vous ôter la vie. Montrez-moi votre poitrine ! Ah ! vous voyez que vous ne le voulez pas ! Eh bien, je ne sais pas si vous êtes profondément ou légèrement blessé. Je crois que ce n’est pas dangereux, puisque vous voilà ; mais ce qui est sérieux, c’est le chagrin qu’il faut avoir pour se déchirer comme vous l’avez fait. Tenez ! je viens de brûler votre chemise que vous aviez ôtée en rentrant et jetée dans un coin de votre chambre sans vous soucier de ce que nos servantes penseraient de ces effroyables taches de sang. Le hasard m’a fait trouver cela, et je