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renaît pas de ses cendres. Qui l’a laissé éteindre ne peut pas le ranimer. Si tu lisais dans le cœur de ta femme adultère, tu verrais qu’elle n’aime plus ni le mari ni l’amant, et que ses efforts pour s’aimer elle-même seront impuissants désormais. Elle ne peut plus connaître l’amour. Il ne se présentera plus à elle qu’à travers la souffrance du désir ou l’effroi du châtiment. Ses yeux, en plongeant dans les tiens, y cherchent en vain la volupté ; ils y liront toujours la sentence de mort, le mépris qu’elle mérite et que tu ne peux pas lui épargner. Cette femme est punie par toi, malgré toi. C’est la loi, et tu es forcé de la subir aussi bien qu’elle. Tu avais deviné cela dès le premier jour en décrétant que tu ne la punirais pas ; tu sentais bien qu’elle était déjà punie. Tu as fait ton devoir, pourquoi veux-tu le dépasser, l’annuler par conséquent ? Pourquoi veux-tu transformer le pardon en récompense, et vaincre en toi le dégoût, cette chose vraie et forte qui vient, comme le désir légitime, des hautes régions de l’équité naturelle ? Va, le détachement n’est pas une simple lassitude physique qu’un peu de volonté surmonte ; c’est le profond repos qu’exige l’être après les luttes suprêmes. Ce n’est pas un épuisement de la charité, c’est celui de la vaine sensibilité qu’une certaine paresse entretient en nous. C’est une protestation que notre dignité nous impose sous peine de nous abandonner. »

Je me rendis à cette voix qui parlait en moi, et de moi à moi-même. C’était le vrai moi humain, com-