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tera obtenir, et, avant deux ans, vous le verrez revenir ici pour nous supplier.

La malheureuse se flattait de cet espoir. Je n’hésitai pas à le lui ôter. Je ne voulais pas punir, mais je voulais faire cesser le mal.

— Vous savez, lui dis-je, que Tonino est très-poltron. S’il revient, je le menacerai, et cela suffira pour l’éloigner à jamais. Vous n’ignorez pas qu’il est certains hommes qui ne peuvent pas lutter un instant contre certains autres hommes. Je le lui ai fait sentir. Il ne reviendra pas, et il ne vous écrira jamais. Quant à s’adresser à moi pour obtenir d’autres sommes, je doute en effet qu’il y renonce ; mais cela importe peu : je me ferai juge de ses besoins, et, s’ils sont réels, vous comprendrez qu’il faut venir à son aide. Quand vous lui donneriez la moitié ou les deux tiers de votre fortune, vous auriez encore de l’aisance, et je ne vois pas pourquoi vous regretteriez d’enrichir le seul parent qui vous reste.

— Sylvestre, vous êtes fou ! s’écria Félicie hors d’elle-même. Vous méprisez l’argent jusqu’à la folie ! Vous croyez donc que je dois quelque chose à Tonino, quand c’est lui qui me doit tout ? Qu’est-ce que c’est que cette idée-là, de me placer à jamais dans la dépendance d’un ambitieux résolu à me dépouiller ? Où sont les droits de Tonino sur mon existence, sur les fruits de mon travail et du vôtre, sans parler de celui de mon frère, qui devrait nous être sacré ?

— Vous garderez l’île Morgeron votre vie, ou du