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orageuse, elle évitait de penser à lui et s’abstenait d’en parler. Sa nature fiévreuse exigeait ces phases de repos. Quand les forces étaient réparées, elle s’agitait de nouveau pour le revoir en secret, ou pour s’occuper ostensiblement de ses affaires et de sa conduite.

Je laissai passer ces quelques jours, et, quand elle me dit qu’elle était inquiète des enfants et s’étonnait de n’en pas entendre parler, je lui appris que Tonino était parti.

— Parti ? où donc ?

— Pour très-loin et pour ne pas revenir.

Elle tomba sur son siège comme foudroyée.

Je n’oublierai jamais l’expression de ses yeux clairs et profonds, qui me demandaient avec une terreur ingénue : « L’avez-vous tué, et allez-vous me tuer aussi ? »

Et, comme mon regard, à moi, ne lui révélait rien d’effrayant, elle eut un sourire égaré, et joignit les mains comme pour rendre grâce à Dieu de ne s’être pas trahie.

Il faut admirer comme les coupables sont parfois stupides, et comme ils croient aisément se jouer des honnêtes gens !

Elle ne comprit rien à mon air tranquille et me demanda en balbutiant l’explication de l’étrange nouvelle que je venais de lui apprendre.

— Ma chère amie, lui dis-je, il fallait en finir avec une situation pénible. Vous m’avez caché, par géné-