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et de la leçon à donner, je dus séparer les deux causes et faire une distinction entre les coupables.

Lequel était le plus coupable ? Par le fait et en apparence, c’était Tonino. La perversité de ses instincts était flagrante ; mais, comme intelligence et comme raisonnement, il était très-inférieur à Félicie. Sa conscience avait été moins avertie ; son éducation morale, entreprise tardivement par moi, avait été interrompue et vite effacée par les circonstances. S’il trouvait dans sa femme une tendresse aveugle, il n’y trouvait aucune résistance sérieuse à ses mauvais penchants, aucune vive lumière pour se diriger. Il était réellement l’élève et la création de Félicie. C’est elle seule qui eût pu le rendre chaste, sincère et désintéressé. Elle n’avait pu lui donner la droiture et la chasteté qu’elle n’avait pas ; le désintéressement qu’elle avait, elle n’avait pas su le lui faire aimer et comprendre. Au lieu d’agir sur lui par l’esprit, elle l’avait laissé réagir sur elle par les sens. Le jour où j’avais surpris cet enfant de son cœur baisant ses cheveux, j’avais surpris aussi un sourire mêlé à la répression, un sourire ému et lascif qui ne m’avait pas trompé et que je n’aurais jamais dû absoudre. C’était peut-être le premier encouragement involontaire donné à cette passion dont elle devait subir la honte ; mais, à coup sûr, dès ce jour-là, Félicie appartenait à son prétendu fils adoptif, le sentiment d’adoption maternelle était profané et devenait une triste et lâche imposture.

Hélas ! oui, cette femme était moins excusable que