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de l’humeur, et tu croyais me piquer au jeu en me parlant de lui. Tu m’as rendu inquiet, chagrin, et pas mal fou aussi pour mon compte. Je t’ai défendu d’être sa femme, je te le défends encore quand la sauvagerie de l’amour m’exaspère ; mais il faut bien réfléchir après et reconnaître que cette union sans partage est impossible entre des amants qui sont mariés tous deux. Sois donc raisonnable, ne rends pas malheureux ce cher Sylvestre, que j’aime peut-être plus et mieux que tu ne l’aimes ; car tu es bien ingrate envers lui, et, au lieu de t’amuser à d’inutiles remords, tu ferais mieux de garder ton secret et de lui cacher tes agitations et tes colères contre moi. Il finira par en deviner la cause, et son repos sera perdu à jamais. Moi, j’ai la conscience tranquille à son égard. Je ne lui veux que du bien, je me mettrais au feu pour lui ; il n’y a que lui au monde qui me paraisse respectable. Je ne veux pas lui prendre sa femme, sa société, son bonheur. Il ne sait pas que cette femme admirable en tous points a des sens,… des besoins de cœur, si tu veux, que ni lui, ni moi, ni personne au monde ne pourrait assouvir ! — Allons, ne te fâche pas, n’enfonce pas tes jolis ongles dans mon pauvre bras ! C’est ton éloge que je fais à mon point de vue ; car, si je t’adore, c’est parce que tu es ainsi. D’ailleurs, j’ai voulu être à toi, j’aurais mauvaise grâce à l’oublier ! Je l’ai voulu dès le premier battement de cœur de ma vie. Je devinais en toi ce que personne ne savait, ce que tu ne savais pas toi-